Loi Rebsamen

LOI DIALOGUE SOCIAL

La loi Rebsamen du 17 août 2015 dite « loi pour le dialogue social et l’emploi » présentée lors de sa publication comme « une loi pour le progrès social (…) qui comporte nombre d’avancées pour les salariés » modifie en profondeur le fonctionnement des instances représentatives du personnel. En complément des dispositions de la loi Macron du 6 août 2015, elle s’inscrit dans la volonté du gouvernement de libérer les entreprises des contraintes qui selon lui entraveraient l’activité économique et la création d’emploi.

Sans être exhaustifs, nous faisons ici le point de quelques-uns des changements majeurs.

Réforme des institutions représentatives du personnel (IRP)

DUP élargie

Depuis 1993, les entreprises de 50 à 199 salariés peuvent mettre en place une délégation unique du personnel (DUP) dans le cadre de laquelle les délégués du personnel (DP) assurent la délégation du personnel au CE. La loi Rebsamen élargit la DUP aux entreprises de 200 à 300 salariés (soit de 50 à 300 salariés) et intègre désormais dans son périmètre le CHSCT.

Cette DUP élargie peut être mise en place au niveau de l’entreprise et dorénavant si l’entreprise comporte des établissements multiples, au sein de chaque établissement distinct (suivant un schéma type CE et CCE), et selon les mêmes modalités d’élections que pour le comité d’entreprise.

Dans le cadre de la DUP, les DP, le CE et le CHSCT conservent l’ensemble de leurs attributions et leurs propres règles de fonctionnement, sous réserve de quelques adaptions (art. L. 2326-3 modifiée et L. 2326-5 nouveau) :

  • La périodicité des réunions : au moins une fois tous les deux mois (au lieu d’une fois par mois, dans l’ancienne législation).
  • Les sujets relevant du CHSCT sont abordés au moins lors de quatre des six réunions annuelles.
  • Le temps de délégation est annualisable : il peut être utilisé cumulativement dans la limite de 12 mois. Seule limite : cette possibilité ne peut conduire un membre de la DUP à disposer, dans le mois, de plus d’une fois et demie le crédit d’heures mensuel dont il bénéficie.
  • Autre nouveauté : la mutualisation des heures de délégation entre titulaires ou entre titulaires et suppléants est possible, sous réserve de ne pas conduire un membre à disposer dans le mois de plus d’une fois et demie le crédit d’heures dont bénéficie un membre titulaire.

DUP conventionnelle (ou instance unique) dans les entreprises de 300 salariés et plus :

En application de la loi Rebsamen, les entreprises d’au moins 300 salariés (ou appartenant à une UES d’au moins 300 salariés) ont désormais la possibilité de regrouper au sein d’une instance commune le CE, les DP et les CHSCT, ou seulement deux de ces institutions (CE+DP ; CE+CHSCT ; DP+CHSCT).

Le regroupement doit être prévu par un accord d’entreprise signé par au moins une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant obtenu au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles des membres du CE ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des DP. La mise en place pouvant être envisagée au niveau de l’établissement, il s’agirait alors d’un accord d’établissement répondant aux mêmes exigences de majorité.

Lorsque l’instance commune est mise en place au niveau d’une UES, l’accord collectif doit avoir été conclu soit au niveau d’une ou de plusieurs entreprises composant l’UES, soit au niveau de l’UES elle-même. Dans ce dernier cas, les règles de validité de l’accord sont appréciées en tenant compte des suffrages valablement exprimés dans l’ensemble des entreprises.

L’instance commune est mise en place au niveau de l’entreprise. Dans les entreprises à établissements distincts, l’accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir la mise en place de l’instance commune dans un ou plusieurs établissements, les modalités de regroupement pouvant varier d’un établissement à l’autre.

En présence d’une UES regroupant au moins 300 salariés, l’instance peut être mise en place dans l’une de ses entreprises, quel que soit son effectif (art. L. 2391-4).

Les modalités d’élections sont celles qui régissent les élections des membres du CE si le regroupement intègre le CE, à défaut suivant les règles régissant les élections DP.

Le nombre de représentants est fixé par l’accord collectif instituant l’instance, sans pouvoir être inférieur à des niveaux fixés par décret en fonction de la taille de l’entreprise.

L’accord peut prévoir, et c’est ici une simple faculté à l’inverse d’une obligation dans le cadre d’un CE classique, ou d’une DUP, de mettre en place au sein de l’instance commune les commissions économiques, formation, logement et égalité professionnelle. En revanche, la commission des marchés est obligatoire si l’instance remplit les conditions requises d’effectifs.

La loi précise que lorsque l’instance intègre le CHSCT, l’accord doit fixer la composition et le fonctionnement au sein de l’instance commune d’une commission d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail à laquelle peuvent être confiés, par délégation, tout ou partie des attributions reconnues au CHSCT et que la commission exerce pour le compte de l’instance. L’accord doit alors déterminer un nombre minimal de réunions de l’instance consacrées, en tout ou partie, à l’exercice de ses attributions en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, qui ne peut être inférieur à quatre par an.

L’accord collectif mettant en place cette DUP conventionnelle doit également en déterminer les modalités de fonctionnement (sans accord, les modalités sont fixées par décret) notamment :

  • Le nombre minimal de réunions (au moins une tous les deux mois) ;
  • Les modalités d’établissement et de communication aux représentants du personnel de l’ordre du jour ;
  • Le nombre d’heures de délégation qui ne peut être inférieur aux seuils fixés par l’article R2391-3 ;
  • Le rôle respectif des titulaires et des suppléants ;
  • Le nombre de jours de formation sans pouvoir être inférieur au seul fixé par l’article R2391-4.

La réforme de l’information-consultation du CE.

  • La loi « Rebsamen » a remplacé, depuis 1er janvier 2016, les informations consultations récurrentes du CE (17 avant la loi) par trois grands rendez-vous annuels :

Information-consultation sur :

  • Les orientations stratégiques de l’entreprise (ces informations porteront sur les deux années précédentes, l’année en cours et les perspectives sur les trois années suivantes) ;
  • Situation économique et financière de l’entreprise ;
  • La politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

L’étendue des thématiques pourrait conduire à ce que certains sujets soient moins bien abordés…

Pour ces trois consultations, le CE aura la possibilité de mandater un expert.

Pour chacune de ces consultations, le CE disposera d’un certain nombre d’informations disponibles sur la base de données économiques et sociales (BDES), dont la nouvelle loi renforce le rôle et enrichit le contenu.

Depuis le 1er janvier 2016, et conformément à la loi, la BDES comporte une nouvelle rubrique sur l’égalité professionnelle.

La loi précise également que les informations contenues dans la BDES sont élargies aux informations fournies de façon récurrente au CHSCT.

  • La loi a supprimé, depuis le 1er janvier 2016, l’obligation pour l’employeur d’établir les différents rapports et bilans transmis de manière récurrente au CE (bilan social, rapport de situation comparée hommes/femmes, rapport sur la situation économique, etc.). La mise à disposition, pour chacune des consultations récurrentes, des informations dans la BDES dispensera en effet l’employeur d’établir ces différents rapports et bilans.

Dans les entreprises d’au moins 300 salariés subsistera l’obligation d’informer trimestriellement le CE sur :

  • l’évolution générale des commandes et l’exécution des programmes de production ;
  • les éventuels retards de paiement de cotisations sociales ;
  • le nombre de contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire.

Suppression de certaines consultations ponctuelles :

  • Sur les projets d’accords collectifs ;
  • Sur un accord d’épargne salariale.

Les obligations de consultation ponctuelle du CE sont maintenues. Le CE continue donc d’être informé et consulté sur les projets de restructuration et de compression des effectifs, en cas de problème ponctuel concernant les conditions de travail, l’introduction de nouvelles technologies, etc…

Fonctionnement des instances

L’aménagement du fonctionnement du CE.

La loi Rebsamen modifie les règles de fonctionnement de l’instance :

  • Réduction du nombre de réunions
  • Tous les deux mois dans les entreprises de moins de 300 salariés (contre 150 auparavant) ;
  • tous les mois dans les entreprises d’au moins 300 salariés (contre 150 auparavant).
  • Utilisation de la visioconférence, enregistrement des séances et délai de transmission des PV
  • Recours à la visioconférence par accord entre l’employeur et les représentants du personnel concerné ; et à défaut d’accord possibilité pour l’employeur de l’imposé pour maximum 3 réunions par an ;
  • Enregistrement des séances
  • Modalités rédaction et délai de transmissions des PV, fixés par accord collectif ou en l’absence de DS, par accord avec le comité à défaut par décret (minimum 15 jours).

Les nouvelles règles de fonctionnement du CHSCT.

Pour l’essentiel la loi étend au CHSCT certaines dispositions applicables au CE.

  • Durée des mandats des membres du CHSCT : La durée du mandat des représentants du personnel au CHSCT est alignée sur celle des représentants au CE : 4 ans au lieu de 2 ans.
  • Règlement intérieur du CHSCT : obligation pour le CHSCT de se doter d’un règlement intérieur
  • Réunions du CHSCT : inscription de plein droit des consultations obligatoires à l’ordre du jour du CHSCT ; recours à la visioconférence, vote du président (participation au vote lorsqu’il ne consulte pas le CHSCT en tant que délégation du personnel)

La réforme de la négociation collective :

La loi Rebsamen réforme également en profondeur le droit de la négociation collective. Depuis le 1er janvier 2016 :

Des négociations obligatoires regroupées en trois blocs :

  • Négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée (art. L. 2242-5 à L. 2242-7 modifiés) ;
  • Négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail (art. L. 2242-8 à L. 2242-12 modifiés) ;
  • Tous les trois ans, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (art. L. 2242-13 à L. 2242-19 modifiés). Thèmes facultatifs : outre les thèmes obligatoires, la négociation triennale pourra porter sur :
  • le contrat de génération ;
  • les modalités d’information et de consultation du CE en cas de PSE, les catégories d’emploi menacées par les évolutions économiques et technologiques, l’association des sous-traitants à la GPEC de l’entreprise et la participation de l’entreprise aux actions de la GPEC territoriale (L. 2242-15) ;
  • la mobilité interne (art. L. 2242-17).

Négociation dans les entreprises dépourvues de DS :

Auparavant, en l’absence de délégué syndical, il était possible de négocier des accords collectifs avec les représentants élus du personnel (CE, DUP ou, à défaut, DP), ou en leur absence avec des salariés mandatés, mais dans des conditions très strictes (un effectif de moins de 200 salariés, des thèmes de négociation limités, une approbation de l’accord par une commission paritaire de branche ou par référendum).

La loi Rebsamen apporte plusieurs modifications :

  • Suppression de la condition de seuil d’effectif. Toutes les entreprises, quel que soit l’effectif, sont donc concernées.
  • En revanche, la négociation avec un élu non mandaté ou un salarié mandaté reste limitée aux mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, à l’exception des accords collectifs dits de méthode en cas de plan de sauvegarde de l’emploi (C. trav., art. L. 2232-22, al. 2 et L. 2232-24 modifiés)
  • La négociation s’engage en priorité, ce qui est nouveau, avec des élus expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel. Une même organisation ne peut mandater qu’un seul salarié et seulement pour la négociation envisagée par l’employeur. Il peut s’agir d’un élu titulaire ou d’un élu suppléant (art. L. 2232-21, al. 1 modifié) ;

La négociation avec des élus mandatés peut porter sur tout sujet (art. L. 2232-21 modifié).

Condition de validité de l’accord négocié avec des élus mandatés : approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, dans des conditions déterminées par décret et dans le respect des principes généraux du droit électoral (art. L. 2232-21-1 nouveau).

  • À défaut d’élus mandatés, l’employeur peut négocier avec un élu non mandaté. Il doit s’agir d’un élu titulaire (art. L. 2232-22, al. 1 nouveau).

Conditions de validité de l’accord négocié avec les élus non mandatés : il doit être signé par des élus titulaires représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ; et être approuvé par la commission paritaire de branche.

Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, l’accord est réputé non écrit.

  • Dans le cas où aucun élu n’a souhaité négocier, l’employeur peut négocier avec un salarié non élu mandaté par l’une des organisations syndicales de salariés précitées (art. L. 2232-24 modifié).

Comme pour la négociation avec l’élu non mandaté, les thèmes sont restreints.

La validité de l’accord est ici subordonnée à approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, dans des conditions déterminées par décret et dans le respect des principes généraux du droit électoral. Faute d’approbation, l’accord est réputé non écrit (art. L. 2232-27).